Bons Baisers de CoinCoin-City

Mission n°3


De : 004
A : OO2
Objet : Mission "Tartare"
Code Confidentialité : G09
Code Sécurité : 3
Code Crédibilité : A/4
Code Agent : ROTFL-32

Lorsque mon chef m'annonça que j'étais envoyé en mission à CoinCoin-City, je me disais naïvement : "Enfin une mission peinarde". Je me trompais malheureusement lourdement, comme vous allez bientôt le découvrir. Au début, tout se passait bien, le voyage vers la principauté de Miles Teg était pour moi l'occasion d'essayer ma nouvelle 206 CC. Profitant de chaque carrefour pour essayer et surtout montrer l'astucieux système de toit escamotable, je me faisais de nombreuses admiratrices et je prenais pas mal de retard sur le planning qui prévoyait de passer par l'autoroute. N'importe quoi... Quel intérêt de voyager sur une route sans carrefours ou se faire voir ? Au bout d'un voyage agréable et sans histoires, j'arrivais donc à l'entrée de la Capitale, marqué par un fossé rempli de poussins dorés paillant à qui mieux-mieux. Je passais sous le porche monumental constitué de deux poussins géants. Je remontais un instant l'avenue Duncan Idaho puis, je tournais à gauche pour rejoindre la place Stilgar. Partout sur les murs on pouvait voir des photos géantes de Yamila dans des tenues qui lui convenait parfaitement. Et après on s'étonne que la productivité soit aussi basse dans le pays. Comment se concentrer avec l'image d'une telle beauté sous les yeux ? J'avais rendez-vous avec mon contact dans un bar discret, mais j'entrai chez un marchand de journaux pour acheter l'accessoire indispensable à la rencontre. En l'occurrence, il s'agissait d'un numéro du Poussin Enchaîné.

Malheureusement pour moi, je constatais vite qu'il n'y en avait pas. Il y avait des piles pleines de Télé Loisirs et de Télé 7 Jours, des montagnes de Maximal, Sports Illustratred et de FHM avec des pubs géantes dans la vitrine. Dans le coin "Presse spécialisée" se trouvait Casus Belli, Joystick et Virus (ce dernier sous verre pour intimider les voleurs). Sans oublier OK Podium et Fan De dans le coin "Jeunesse Conne et Féminine". Bien embêté, je le demandais alors au vendeur qui me regarda comme s'il avait mordu dans une pomme pourrie te me répondit :

- Ce journal scandaleux et mensonger vient d'être interdit par Son Altesse. Si vous en êtes un lecteur, j'appelle la police du Poisson Mort.

- Bien entendu que non ! Je demandais pour vérifier que le décret était bien appliqué. Je ferais un très bon rapport sur vous.

Puis je me barrais vite fait avant qu'il ne doute de mon histoire à la con. Mais tout ça ne m'arrangeait pas car j'avais besoin de ce journal comme signe de reconnaissance. J'entrais donc chez un second marchand ou j'achetai un Fan De sur lequel je griffonnais Le Poussin Enchaîné et ensuite je me dirigeais vers le bar Au Harkonnen pendu par les tripes où devait avoir lieu la rencontre avec un informateur.

J'entrais dans le bar mal famé et je repérais tout de suite mon contact : Il ne s'agissait ni plus ni moins que de l'Agent Nissuop. Je brandissais discrètement mon journal et m'asseyait à la table de l'espion CoinCoinLandais.

- Ca va pas la tête de brandir un tel journal ici ? fit-il en levant légèrement la tête de son verre.

- Je suis désolé, mais le rendez-vous stipulait que je devais me faire reconnaître avec un Poussin Enchaîné.

- Je parle pas de ça, crétin, je parle de Fan De. Tu veux vraiment te faire trouer le cul par les bonhommes d'ici ?

- Ho... Je savais pas.

- Mon petit, si tu veux survivre ici, t'as intérêt à apprendre quelque règles de base. Discrétion, attention, protection.

- Si vous le dites, dis-je d'un ton cassant pour répondre à son allure prétentieuse.

- Bon... Passons aux choses sérieuses. Ecoute ce que j'ai à dire, je vais pas te le raconter deux fois. Dans les milieux renseignés où vous autres blancs-becs avez pas accès, on murmure qu'Il va bientôt sortir.

- Lui ? Mais c'est impossible ! Il est bouclé à quadruplé tour ! Aucun prisonnier ChouChouLandais n'est mieux gardé que Lui !

- Et pourtant, mes sources sont fiables.

- Mais qui ? Qui aurait l'intérêt et les moyens de le libérer, Lui ?

- Il se nomme Lord Tromedlov. C'est un richissime parrain de la maffia russe. Il veut utiliser Lui pour implanter son réseau au ChouChouLand.

- Quoi ! Mais c'est n'importe quoi ! Il est devenu fou, ce Lord !

- Je ne te le fais pas dire. Mais chut ! On nous espionne !

- Ah bon ? C'est le comble !

- Non, c'est le contre-espionnage du Pov'Gars-Land ! Il faut les tuer !

- Ahhh !!! Mais c'est horrible ce que tu dis ! Je peux pas tuer moi, je suis pas un assassin !

- Crétin, t'es un agent secret. Faut se servir de ton permis de tuer ! Suis-moi !

Et Nissuop commença à sortir un énorme flingue à canon scié de dessous son imper noir et commença à mitrailler vaguement dans la direction des espions Pov'Gars-Landais. Il toucha une bonne demi-douzaine de clients du bar, dont deux tourtereaux qui ne lui avait rien fait, mais pas un seul espion. Ces derniers commencèrent à fuir par la porte de derrière, et ils eurent bientôt disparus.

Mais ce n'était pas pour si peu que Nissuop allai les laisser s'en tirer. Il sortit en trombe, visa la voiture avec laquelle il s'enfuyait et tira dessus. De gros trous biens ronds apparurent sur la carrosserie, mais elle continua. Nissuop jura avec rage, puis ajouta en m'attrapant par le bras :

- On prend ma voiture !

Je faillis m'étrangler en voyant ce qu'il appelait sa "voiture". Ce n'était ni plus ni moins qu'un tank, probablement réformé depuis vingt ans vu son état pitoyable. Nissuop grimpa dedans sans hésiter, bien décider à poursuivre les fuyards. Moi, de mon coté, je l'aurais bien laissé, malheureusement, Il ne m'avait pas dit où trouver Lord Trou du Cul, et si je voulais pas me faire taper les doigts par mes patrons, il valait mieux que je le suive. Je montais donc à contrecœur dans l'engin, priant pour qu'il ne tombe pas en miettes avec moi à son bord. Il se dégageait une forte odeur de cannelle de l'intérieur, et il y avait fort peu de place pour m'y caser.

- Accrochez-vous !

Je sus immédiatement que j'avais fait une grave erreur en montant dans ce tank. Il démarra en trombe, faisant gémir les chenilles rouillées. Nissuop conduisait son engin comme un dingue, sans se soucier le moins du monde des passants et des autres voitures. Je m'accrochais où je pouvais tandis qu'il passait sur une Mercedes, la broyant sans même le remarquer. Puis il fit un dérapage contrôlé pour tourner dans la rue où avaient tourné les espions du Pov'Gars. Arrachant quelques réverbères au passage, il gagnait du terrain sur la Trabant grise. Se jugeant assez près, il tira un obus, mais ce dernier rencontra un balcon et propulsa la jeune fille qui s'y prélassait à travers la rue, finissant son vol plané sur le lit de son voisin d'en face. Ce qui n'était pas du tout du goût du jeune homme qui jouait de la guitare en bas sur le trottoir. Mais il se fit écraser par Nissuop et n'eut pas le temps de protester.

- T'es sur que t'as ton permis ?

- Sur ! Je l'ai passé 69 fois avant de l'obtenir. J'ai envoyé à l'asile quatre examinateurs. Le cinquième était plus malin.

- Pourquoi ne suis-je pas rassuré ?

Le Tank continuait sa course folle, tournant dans des ruelles de plus étroites et pittoresques. Je vis avec horreur immeuble s'écroulait derrière nous. Mais ce n'était rien comparé à ce que je vis en me retournant.

- Tu veux encore tirer avec le canon ? Mais tu peux pas faire ça !

- Pourquoi ? me rétorqua-t-il innocemment.

Trop tard ! Il avait déjà tiré. Et bien entendu, il avait raté sa cible. L'obus alla faire exploser une statue, au grand dam des pigeons qui y habitaient. Les survivants, très mécontent, vinrent bombarder le tank en représailles.

- Merde ! Je vois plus rien, avec les fientes de ces foutus piafs !

Le tank commença à zigzaguer, avançant à l'aveugle et écrasant plus de voitures que jamais. Puis il traversa un immeuble et ressortit sur une grande place où les jets d'eau de la fontaine rétablirent la visibilité du conducteur.

- Et merde ! Je les ai perdus.

- Ouf ! fis-je.

Je m'extirpais hors du tank en titubant et en essayant de rester debout et je pensais juste à temps à lui demander.

- Où pourrais-je trouver ce foutu Lord Tromedlov ?

- Facile ! C'est au 1024, Avenue Richese. Dans les quartiers chics...

Et il repartit à toute allure en faisant crisser les chenilles de son tank. Je retournai à l'endroit où j'avais laissé ma voiture pour m'apercevoir qu'elle n'était plus là. Un CoinCoinLandais peu scrupuleux devait avoir décrété qu'elle me gênait et avait voulu m'en débarrasser... Copieur va ! Pas grave, je repérais une Mercedes SLK, sortais mon passe-partout et m'installait tranquillement derrière le volant. Je démarrais en faisant vrombir le moteur et me dirigeai vers les quartiers chics de la ville. Là où se trouvent les villas toutes plus somptueuses les unes que les autres des nombreux fumeurs d'épices de la région. Je m'arrêta à quelques mètres de l'entrée de la résidence de Lord Tromedlov, descendais de ma voiture. J'escaladais discrètement le mur et sautais souplement de l'autre coté. Sans un bruit je me faufilais de tronc d'arbre en tronc d'arbre avec la ruse d'un sioux pour échapper aux systèmes de surveillance. J'étais très fier de ma technique que j'avais apprise dans un bouquin génial. Mais tout à coup, je tombais nez à nez avec une chose qui me glaça le sang.

- Grrrrrrrrrr !

- Gentil le toutou... Gentil...

Bon, apparemment, ce molosse n'avait pas lu le bouquin. Je pris mes jambes à mon cou et me précipitai vers le mur d'enceinte. Je sentis une intense douleur à mon postérieur et fut soulevée dans les airs par une force prodigieuse. Encore heureux que le molosse ne m'ait pas mordu quelques centimètres à coté, sinon ma voix aurait un peu trop viré à l'aigu à mon goût

Il n'empêche que le chien de garde s'était emparé de ma personne physique et la transportait à allure soutenue vers le propriétaire de ce domaine, qui n'allait certainement pas m'offrir des petits fours pour être entré chez lui. Le chien fit le tour de la maison et vient me déposer comme un sac de pomme de terre non loin d'une chaîne longue ou bronzait une pulpeuse jeune femme. Avec un fort accent russe, elle déclara :

- Bravo, Sultan, tu es un bon toutou. Chéri ! Venez voir ce que Sultan vient d'attraper :

- J'arrive chéri, fit une voix en provenance de la maison.

Un homme sorti alors, dans une tenue d'inspiration vaguement militaire et me regarda puis me dit :

- Oh ! Agent ROTFL-32. Bienvenue parmi nous. Voulez-vous des petits fours ? N'ayez pas peur, servez-vous !

- Lord Tromedlov, je présume ?

- En effet, c'est moi-même. Désirez-vous nous accompagner à la piscine ?

- Je ne voudrais pas déranger.

- Mais non, voyons, tous les sales petits espions sont la bienvenue ici fit-il avec son plus beau sourire.

Voyant les féroces gorilles armés de M 16 qui venaient de surgir autour de moi sans prévenir, je jugeais plus prudent de répondre.

- Je crois que je vais me laisser tenter...

Je suivais donc mes hôtes derrière une haie de buis où officiait un vieux jardinier borgne acharné à lui garder son élégant profil ordonné. Derrière, à l'abri des regards indiscrets, se trouvait une superbe piscine de taille olympique. Un véritable harem de naïades au corps parfaits se prélassaient dans de ravissant petits bikinis. A ma grande surprise, je vis Bibi qui sirotait un cocktail, entouré d'autant de jeunes filles qu'il y avait d'espace autour de lui.

- Mais qu'est-ce qu'il fait là, celui-là ?

- Il fait partie de mon complot diabolique pour conquérir le monde !

- Je croyais que vous vouliez délivrer le Pov'Gars...

- Oui, mais c'est accessoire.

- Ah...

- Je vais utiliser l'énergie Pov'Garsique pour mon superlaser et les gouvernements du monde entier seront à mes pieds !

- Et je serais son Grand Chambellan fit une voix.

- Agent Nissuop ? fit-je en le voyant enlever son masque.

- Oui, c'est bien moi...

- Vous êtes à la solde de Lord Tromedlov ? Alors tout ceci n'était qu'un piège !

- Et oui. Maintenant, tu vas mourir.

- Certainement pas. Je suis beaucoup trop jeune pour ça !

Sur cette déclaration un peu banale (faut m'excuser, avec un flingue pointé sur moi, mon sens de la répartie baisse), j'empoignais la chaise longue de Bibi et me servais de lui comme bouclier tandis que je filais à toute allure vers la sortie. Mais comme j'ai pas un bon sens de l'orientation, je me retrouvais dans la maison. Encerclé par les gorilles, je n'eus d'autre choix que de me précipiter dans l'escalier. Hélas pour moi, le haut de l'escalier se terminait sur un plafond très dur.

- Qu'est ce que c'est que ça ? fis-je en me frottant ma tête endolorie par le choc.

Mais je n'avais pas le temps de réfléchir où de m'apitoyer sur moi-même et je repartais aussi tôt dans l'autre sens. Je dégainais mon arbalète, lançait le harpon de l'autre côté de la pièce et sautait courageusement dans le vide en me cramponnant à ma corde. Je survolais les gorilles qui en profitèrent pour me tirer dessus, mais il n'arrivèrent qu'à cribler le plafond de balles, le faisant ressembler à un parcours de golf curieusement orienté.

Une fois sur l'autre escalier, de l'autre coté du hall, je repris mon ascension, me précipitant au premier étage. Mais celui-ci ressemblait assez curieusement à un sous-sol. Après un examen approfondi, je réalisais que j'étais bien dans le sous-sol. A la chaufferie, pour être précis.

- Mais c'est quoi, cette maison de fou ?

Je me précipitais droit devant, pulvérisant la première porte qui passa à ma portée. Je me retrouvais dans une cellule, où une vamp extrêmement séduisante, apparemment leur prisonnière, se prélassait sur son lit.

- Vous êtes venu pour me torturer ? demanda-t-elle avec un accent russe à couper au couteau.

- Euh... Non. J'essaye juste de m'échapper de cette maison de fous.

- Alors, emmenez-moi avec vous...

Elle se colla à moi pour me convaincre, me dévoilant un très beau panorama sur ses atouts naturels.

- Gue ga...

Je tentais désespérément de me contenir, ce qui était loin d'être évident. Mes ordres étaient clairs... Elle commença à ronronner tout en me chatouillant les joues avec ses ongles effilés.

- Désolé, fis-je en l'assommant et en espérant que c'était bien un piège.

Et je m'enfuyais par le soupirail. Pour tomber sur le toit de la maison. Je glissais un long moment sur les ardoises humides avant de me rattraper juste à temps. Ouf ! Un peu de plus et je me passais par-dessus bord. Ou pire : je prenais une gargouille dans la partie la plus sensible de mon anatomie ! Mais les gorilles me poursuivaient toujours. Je devais absolument trouver un moyen de quitter ce toit.

- Par là, je crois que ca ira...

Je m'apprêtais à descendre par le seul coté où il n'y avait pas de gorilles, mais je tombais sur un balcon où la jeune fille de tout à l'heure embrassait langoureusement le jeune homme qui était passé sous le tank de Nissuop.

- Diantre ! Quel est ce manant qui ose nous déranger en un tel moment, fit le jeune homme, qui bien qu'un peu aplati, m'attaqua sans hésiter en brandissant sa guitare comme un gourdin.

Je me mis à sauter de coté pour l'éviter, et le jeune homme, emporté par son élan, passa par-dessus la rambarde pour sombrer dans un massif de rosier. Et comme tous ces contretemps m'avaient retardé, les gorilles étaient juste à côté du rosier, m'attendant de pied ferme. Je dus donc remonter sur le toit et sauter sans hésiter dans la cheminée la plus proche. Je dévalais aussitôt le conduit à une vitesse effroyable. Le conduit était beaucoup plus long que je ne l'aurais cru. Il s'incurvait par endroit, et sans prévenir, les briques rugueuses furent remplacer par du métal glissant. Le conduit pris les orientations les plus diverses et les plus inattendus. Néanmoins je remarquais de nombreux conduits secondaires avant d'atterrir lourdement sur un tapis roulant. Sur lequel je ne restais pas longtemps car arrivé à son bout, je tombais dans une grande marmite au milieu de carottes et de navets.

- Gloub Bloub ! Je me noie...

Empestant la soupe, je m'extirpais de la marmite et me regardais où j'étais. C'était un vaste souterrain parcouru d'innombrables tuyaux de métal, où personne n'était visible. J'étais en train de me dire que cette dernière constatation était plutôt rassurante lorsqu'une immense silhouette se dessina devant moi. Armée de couteaux aiguisés, d'un grand tablier blanc et d'une toque immaculée, il me proclama.

- Morbleu ! Quel est donc ce fricandeau qui vient troubler mon plat ?

- Je ne veux surtout pas gêner... Je vais me retirer.

- Ventredieu que non, jeune freluquet, fit le géant en m'attrapant par le col, m'étranglant plus qu'à moitié. Tu vas devoir réparer les dégâts que tu as causé !

- Quoi ? Moi ? Mais je n'ai aucune compétence en cuisine  !

- Et bien il fallait y penser avant de piquer une tête dans mon consommé ! Quel diable d'idée de vouloir s'entraîner au crawl dans mon chaudron !

- Je vous jure que ce n'était pas mon intention.

- Palsembleu ! Et menteur par-dessus tout !

Et il brandit une gigantesque louche, visiblement pour me fracasser le crâne avec. Mais je fus plus rapide que lui : je m'emparais de son arme, et la retourner contre lui pour l'assommer. Laissant le cuisinier fou s'effondrer dans ses épluchures de patates, je fonçais vers une fenêtre et prenant mon courage à deux mains, je sautais au travers.

 

Un millier de fragments de verre me coupèrent à divers endroit, me déchirant la peau sans pitié. Par miracle, je tombai sur une voiture, dont les sièges amortirent ma chute. Et je constatais avec stupéfaction que c'était la mienne. Sans chercher à comprendre ce qui m'arrivai, je mettais le moteur en marche et je me barrais de cette maison de fou. Mais hélas, je devais faire mon rapport à mon chef.

- Alors, vous en êtes où ? tonna sa voix dès que le contact fut établi.

- Ben, c'est un cinglé nomme Lord Tromedlov qui veut faire évader le Pov'Gars. Mais c'est pas un admirateur, il veut juste s'en servir pour conquérir le monde. Je peux revenir maintenant ?

- CA VA PAS LA TETE ? Vous allez me faire le plaisir de neutraliser ce cinglé ! Je veux sa tête en paquet cadeau demain à neuf heures sur mon bureau !

- Oui Chef. Bien Chef...

Et après ça, je n'avais d'autre choix que de me lancer à la poursuite du cinglé...

Je démarrais donc ma SLK et retournais prudemment vers la maison du Lord fou. Malheureusement, je vis sa voiture qui roulait dans ma direction. Je jetai alors ma propre voiture dans le fossé pour la cacher. Tapis sous les feuilles mortes, je regardais la voiture, qui était en fait à la tête d'un long cortège, passer devant moi dans la direction de l'héliport. Une fois tous les véhicules passés, je sortais de ma cachette et je les pistais à distance (très) respectable. Ma supposition se révélait exact : le convoi entra dans l'enceinte de l'héliport et Lord Tromedlov ainsi que ses collaborateurs les plus proches embarquèrent dans de gros hélicoptères lourds et de surcroît armés jusqu'aux dents. Prenant mon courage à main, je me cachais dans un local poubelle pour espionner toute la scène.

- Décollez au plus vite, ordonna Lord Tromedlov au pilote. Je veux être arrivé le plus vite possible.

Je constatais que Nissuop et Bibi se trouvaient toujours parmi les fidèles du Lord fou, ce qui n'était pas sans m'inquiéter car en tant que traîtres, ils connaissaient nombre de secrets ChouChouLandais. Cependant, les hélicoptères décollaient et je n'avais d'autre choix que de les suivre. J'aurais bien piqué un hélicoptère, mais ce n'aurait pas été très discret. Je retournais donc m'installer au volant d'une voiture. Mais comme je vis qu'ils prenaient la direction du désert, je volais un véhicule plus adapté au jeune couple que j'avais déjà croisé deux ou trois fois : une Fiat Panda 4x4. Faisant vrombir le moteur, je me lançais à la poursuite des hélicoptères. Ceux-ci fonçaient plein nord, droit sur le Pov'Gars Land. Ce qui m'étonnait fort, vu que le Pov'Gars était enfermé à Ching-Ching. Ils auraient du prendre la direction de ChouChou-City, à l'ouest. Mais bon, je les suivais et je n'allais tout de même pas leur donner des cours d'orientation. Très vite, les pleines fertiles disparurent pour faire place à un paysage de plus en plus désolé. Les grands chênes millénaires laissaient la place à des buissons rachitiques et malformés, les oiseaux multicolores était remplacés par des mouches et le ciel bleu se couvraient de nuages gris terne. Je roulais désormais sur une route poudreuse et rarement utilisée, ce qui faisait que je soulevais un nuage de poussière. Ce qui était fort inquiétant : j'étais à peine plus discret que si j'avais été en hélicoptère.

Tout à coup, les hélicoptères plongèrent vers le sol et j'eus bien peur qu'ils ne l'eussent repéré. Mais les hélicoptères disparurent sous terre et je compris tout : Ils étaient arrivés à leur base secrète !

- Et merde, je vais encore devoir m'infiltrer dans un repère de mécréant... J'en ai marre d'être un agent secret.

Néanmoins, je me mis consciencieusement à chercher les bouches d'aérations du complexe. Car tout le monde sait que si les méchants perdent toujours, c'est parce qu'ils ne peuvent pas se passer d'une clim. Je finis par en trouver une cachée sous un buisson de ronces. M'écorchant la moitié de la peau et me déchirant les vêtements, je m'introduisais dans le conduit qui descendait en pente raide. Me laissant glisser, je pris progressivement de la vitesse jusqu'au moment où je décidais de freiner avec mes chaussures. Mais la force de frottement était telle qu'elles commencèrent à brûler. Au bout du conduit, j'atterrissais dans une petite pièce heureusement déserte mais où les détecteurs anti-incendie se mirent à couiner à cause de mes godasses. Je soufflais désespérément dessus pour les éteindre, mais dans ma précipitation, ca ne servit qu'à attiser le feu. La mort dans l'âme, je dus me résoudre à les abandonner et à continuer ma mission en chaussettes. Progressant discrètement de pièce en pièce, je me rapprochais du centre de commande de Lord Tromedlov. Finalement, les chaussettes avaient l'avantage de ne pas être bruyantes.

Donc, grâce à l'abandon de mes chaussures, j'avais pu me glisser sans bruit et sans être remarqué derrière une baie d'observation. Je pus alors voir la cavité dans laquelle s'étaient glissés les hélicoptères.

- Oh merde !

La grotte était immense : au moins dix klicks de large à la base. Les parois allaient en se rapprochant jusqu'à l'orifice par où étaient entrés les hélicos. Et le plus grave était les batteries de GROS missiles qui pointaient vers le ciel.

- Alors, pantouflard, on traîne là où il ne faut pas ?

Entendre cette voix sinistre dans mon dos me glaça le sang (voilà pourquoi les gentils n'ont pas besoin de clim) et je me retournais très lentement pour faire face à mon adversaire.

- Agent Nissuop... Quel plaisir de vous revoir fis-je en contemplant nerveusement son 9mm parabellum.

- Suivez-moi. Le maître désire une audience avec vous.

- Oh ! J'en suis enchanté, fis-je en souriant de toutes mes dents (ce qui évitaient qu'elles ne claquent).

Nissuop me désarma, puis un pistolet collé entre les reins, je me dirigeais vers Lord Tromedlov et vers une mort certaine.

- Voilà donc notre cher ami à la solde de l'usurpateur ChouChouBoy. Je dois reconnaître que vous n'êtes pas dépourvu d'un certain talent. Aussi vais-je vous donner une chance, n'est-ce pas ? Voici ma proposition : rejoignez mon armée et vous serez un de mes ministres lorsque je serais le maître du monde.

- Vous me connaissez bien mal. Jamais je ne trahirais le Chouchou Suprême.

- Imbécile ! Vous osez dédaigner mon offre ? Soit ! Nissuop !

- Oui, patron ?

- Conduisez ce gentleman aux crocodiles. A défaut de ministre, il fera un très bon amuse-gueule pour mes petits chéris.

- Bien, patron, vos désirs sont des ordres.

Tromedlov appuya sur un bouton et tout un pan de plancher s'escamota pour révéler une espèce de piscine.

- Euh... Je suppose que ce ne sont pas des poissons rouges que je vois là...

- Pas vraiment, en effet, fit Tromedlov en souriant.

Nissuop sortit son katana et commença à me pousser lentement vers le bord, ce qui n'était guère agréable. Avançant lentement sur ma planche, les mains en l'air, les crocos se léchant déjà les babines, je n'avais guère l'air bravache.

Heureusement pour moi, je ne suis jamais à court de ressources. Elles arrivent un peu en retard de temps en temps. C'est tout.

- Tu a oublié de faire quelque chose, Nissuop.

- Ca m'étonnerai ! Quoi ?

- De mettre une lame à ton katana !

- Argh !

Attrapant le sabre en passant mes bras par-dessus mes épaules, je m'en emparais, et le projetait au loin devant moi, avec Nissuop toujours accroché. Ce dernier, stupéfait de passer au-dessus de ma tête en vol plané, atterrit dans un magnifique massif de cactus.

- Aieuh !

- Nissuop ! Espèce d'incapable ! Rattrapez-le !

- Oui, Chef !

Mais aveuglé qu'il était par les épines de cactus, il ne regarda pas où il allait et... PLOUF ! Il tomba dans le bassin des crocodiles. Je n'en regardais cependant pas plus car j'étais trop occupé à me barrer par les conduites de climatisation. Je me faufilais comme un serpent dans les boyaux tortueux, habitué que j'étais par des années de pratique. Je ressortais néanmoins car mon devoir était encore et toujours de stopper ces maudites fusées. Je m'infiltrais dans un magasin pour trouver de nouvelles armes. Récupérant des morceaux à droite et à gauche, je me fabriquais un nouveau pistolet avec un robinet, une pince multiple, deux lampes électriques et un pot de yaourt. Puis-je sautais sur un malheureux ouvrier qui passait par-là, l'assommait et lui piquait ses vêtements pour me fondre dans le décor. Ceci fait, je m'installais dans le petit train qui sillonnait la base. L'animateur était en plein dans son discours de présentation.

- Sur votre gauche, vous pouvez admirer les magnifiques accumulateurs électriques permettant à notre super arme de disposer des 40 GW de puissance nécessaire à son bon fonctionnement. Fabriqués à l'unité, ils sont uniques au monde et valent plus de 5 000 000 € chacun. Remarquez également à votre droite les sous-stations de contrôle auxiliaire du guidage automatique des missiles. Mais nous arrivons déjà dans le secteur où...

Tandis que l'animateur débitait son speech, j'avais sorti mon appareil photo numérique, imitant les nombreux japonais qui étaient passagers comme moi. Et mitraillant de plus belle à droite et à gauche, je constituais un plan complet de la base secrète.

Finalement le petit train arriva à la buvette où je m'installais confortablement pour siroter un cocktail en regardant passer les belles demoiselles de la base. Malheureusement, un compte à rebours me ramena durement dans la triste réalité. Tromedlov courait toujours et je devais l'arrêter. Comme ça, il ne gagnerait pas la médaille d'or au cent mètres. Je me levais donc pour aller désamorcer les missiles. M'introduisant furtivement dans le premier silo, je sortais mon couteau suisse et démontais la plaque d'accès au contrôleur du missile. J'examinais longuement le subtil mécanisme conçu pour parer à toute sorte de sabotage. Seul un génie comme moi pouvait réussir à désactiver cette arme de cauchemar. Après mure réflexion, je me décidais pour un truc imparable. Je sortais un morceau de camembert de mon sandwich campagnard et je le mettais à la place d'un des fusibles. Ca allait faire un beau feu d'artifice ! Bien entendu, je ne m'arrêtais pas là. Gambadant de consoles en consoles, je semais les désordres les plus divers. Un peu de margarine dans les circuits de refroidissement, quelques câbles interchangés, une gerbille dans le système de mise à feu... Et surtout, l'arme ultime : démarrer Outlook Express sur leurs machines délicates. Très fier de moi, je m'apprêtais à passer au silo suivant lorsque la vue d'une silhouette me paralysa

- Nissuop ! sifflais-je entre mes dents.

- Salut, mec...

- Tu vas mourir, traître !

- Eh là, ca va pas la tête  ? Qu'est-ce que je t'ai fais !

- Quoi ? Tu m'as trahi, Ducon !

- Hein ? Ah... Je vois. Mais non, voyons, je jouais la comédie, voyons. Très flatté que toi aussi tu t'y soi laissé prendre. Mais maintenant que je ne suis plus surveillé, on va bien se marrer.

- Gue ? fis-je, complètement interloqué.

- Reste pas la bouche ouverte, mon Rotflounet. Tu vas avaler des mouches. Viens plutôt avec moi. On a un tas de super-armes à saboter.

Je suivis donc Nissuop, qui se mit à saboter avec autant, sinon plus, d'entrain que moi. Avec un joyeux sourire sadique, il intervertissait nombre de fils dans les divers systèmes et sous systèmes de mises à feu des missiles. Bien que perplexe, je fus bien obligé d'admettre que ce satané Nissuop était bel et bien un agent triple et qu'il n'avait jamais cessé de servir le Chouchou Suprême.

- Décidément, tu es complètement cinglé, Nissuop !

- Merci du compliment. Tu viens, on va s'occuper du QG maintenant.

- Quoi ???

- Ben oui, il reste plus que ça à saboter.

- Euh... En effet, c'est logique...

Nous partîmes donc en direction du centre nerveux de la base, avançant à pas de loups. Malheureusement, ce ne fut pas suffisant car cinq gorilles sortirent comme par enchantement pour nous plaquer au mur. Lord Tromedlov fit alors son apparition, nous contemplant avec un sourire de satisfaction sadique.

- Ha ha ha ! Je savais bien que mon fidèle Nissuop réussirait à te remettre la main dessus, vil ROTFL !

- En effet, cher Maître... Ce crétin a même gobé que j'étais de son côté !

- Arf Arf Arf... Il est décidément très naïf. Je crois qu'il mérite qu'on lui apprenne. Gardes ! Crucifiez-le là !

Et c'est ainsi que je me retrouvais crucifié dans la salle de contrôle de la base secrète, sous le balcon où le neveu de Lord Tromedlov et sa soupirante roucoulait. Une place de choix, avec une vue imprenable sur les préparations du lancement des missiles.

- Au moins, je sais que les missiles sont sabotés, me disais-je en moi-même. J'ai bien vu ce que faisait Nissuop. Ce ne pouvait être que du sabotage. Je suis au moins sur qu'il n'a pas fait semblant.

- Compte à rebours : H - 20 secondes annonça d'une voix nasillarde l'ordinateur.

- Dommage que de là où je suis, je ne puisse pas voir la tête de autre cinglé lorsque ca va planter.

- 19, 18, 17, 16...

- Aujourd'hui est le jour de mon triomphe ! cria Tromedlov en ricanant bêtement.

- 15, 14, 13, 12...

- Oui, mon Maître, fit Nissuop en le regardant en extase.

- 11, 10, 9, 8...

- Nous aurions quand même du attendre que cet imbécile ne soit plus enrhumé pour enregistrer la voix de l'ordinateur.

- 7, 6 ,5, 4...

- Ouiiiii, Maître

- 3, 2, 1, Ignition !

Dans un fracas indescriptible, les moteurs du missile démarrèrent, et c'est moi qui eu une tête à faire rire mon ennemi...

Je m'apprêtais à honnir d'insulte Nissuop, mais je m'aperçut qu'il avait la même tête que moi. Donc, il avait bel et bien saboté en toute bonne foi les missiles. Il ne restait donc qu'une solution : Nos deux sabotages successifs s'étaient annulés l'un l'autre !

- C'est trop injuste ! soupirais-je en baissant la tête.

Mais pendant ce temps-là, le missile s'élevait lentement et majestueusement, sortant progressivement de la tanière souterraine. Mais tout à coup, un bruit de métal froissé vint m'irriter les oreilles, aussitôt suivi d'une explosion qui me martyrisa les tympans.

- Quoi ? Qu'est ce qui se passe ? Qui ose interrompre mon triomphe ? cria Tromedlov au milieu des gravats qui tombaient de partout.

- Euh... Je crois que les ingénieurs se sont trompés dans la taille de la sortie des silos... se risqua à dire un technicien.

- Quoiiiii ?? hurla Tromedlov. Ils ont fait quoi ?

- Ben, ils l'ont faite trop petite...

- Non ! C'est pas vrai ! Ils ont pas pu me faire ça ! fit Tromedlov en se mettant à chialer à genoux devant sa console. Bouhouhou ! C'est pas juste !

Cependant, tout était en train de tomber en morceaux, et le mur sur lequel j'étais crucifié s'étant écroulé, je me dis qu'il valait mieux que je réfléchisse sérieusement à me tirer d'ici. M'extirpant de l'amas de cordes, de plâtre et de poutrelle qui me recouvrait, me dégageant du balcon des deux soupirants, me dirigeais vers la sortie en escaladant les gravats qui tombaient de partout, Nissuop sur mes talons. Me retournant, je vis une énorme poutre d'acier tomber sur Tromedlov et la faire exploser, projetant du sang un peu partout. Mais personne ni prêta attention, car tout le monde était en train de s'enfuir dans toutes les directions.

Cependant, je continuai à patiner dangereusement en essayant d'escalader la montagne de débris plus que divers. Je comprenais parfaitement la situation d'une fourmi en train d'échapper au terrible piège d'une larve de fourmilion. A ma grande surprise, ce fut Nissuop qui me tira de là en souriant de toutes ses dents.

- On s'est bien amusé, hein, confrère ?

- Tu appelle ça t'amuser, fis-je en contemplant l'énorme cratère de trois klicks de long, seul vestige de la terrible base secrète souterraine du Seigneur de la Terreur Lord Tromedlov (ouf !).

- Ben oui, on s'est bien marré, non ? On a fait les cons, on a buté plein de méchants. C'est cool, quoi !

- J'appelle pas ca cool de devoir marcher, courir, ramper, escalader, tirer, castagner, surtout avec un agent double, triple, quadruple ou je ne sais quoi dans les pattes !

- Oh... T'es pas cool.

- Pas cool ? Je suis pas cool ? Tu vas voir si je suis pas cool !

Et m'emparant d'un bazooka qui traînait parmi les débris, je me mis à courir derrière lui dans le désert en me servant de ma trouvaille comme d'un gourdin sous le regard désabusé des deux tourtereaux couverts de poussière...

Fin du Rapport